L’Union européenne veut faire de la rénovation énergétique un pilier de la relance
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Alors que la Commission européenne dévoilera à l’automne sa feuille de route en matière de rénovation énergétique des bâtiments, des voix s’élèvent en France pour pointer du doigt les limites des politiques menées en la matière ces dernières années.
L’exécutif européen s’empare de la rénovation énergétique des bâtiments. La Commission européenne entend en faire un des piliers de la reprise, alors que le Vieux Continent a fortement été ébranlé par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Dévoilé le 27 mai 2020, le plan de relance européen doit répondre au double défi de préparer une reprise économique rapide tout en inscrivant l’Union européenne dans une trajectoire d’avenir. Il s’appuiera pour ce faire sur un instrument budgétaire dédié à hauteur de 750 milliards d’euros.
Pas question de se limiter à reconstruire l’économie du monde d’avant. Au contraire, a assuré Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, selon qui l’ambition du Pacte Vert européen reste intacte. Les contours de ce “Green Deal”, qui doit conduire les Européens vers la neutralité carbone à horizon 2020, ont ainsi été dévoilés. Il s’articule autour de 4 leviers prioritaires, à savoir, la rénovation des bâtiments, des infrastructures et une économie plus circulaire, favorisant l’emploi local ; le lancement de projets d’énergies renouvelables et d’une économie de l’hydrogène propre ; des transports et une logistique propres et enfin, le renforcement du “Fonds pour une transition juste”.
Vague de rénovation
La Commission européenne ne cache pas son ambition en matière de rénovation énergétique. En témoigne la présence du bâtiment parmi les 14 écosystèmes industriels prioritaires recensés pour développer le marché intérieur de l’Union. La communication de la Commission dévoile ainsi de premières orientations : “La vague de rénovations futures sera axée sur la création d’emplois dans les secteurs de la construction, de la rénovation et d’autres secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Grâce à un soutien réglementaire et financier, tel qu’un volet «infrastructures durables» deux fois plus important dans le cadre d’InvestEU, l’objectif sera d’au moins doubler le taux annuel de rénovation du parc immobilier existant.”
En attendant d’achever sa feuille de route baptisée “vague de rénovation”, qui sera rendue publique à l’automne prochain, la Commission a lancé une consultation pour recueillir les avis des citoyens sur la meilleure manière de renforcer la fréquence et la qualité des rénovations des bâtiments. Les contributions peuvent être réalisées jusqu’au 9 juillet 2020.
Isolgate, obligation, performance : en France, le ton monte sur la rénovation énergétique
Une démarche consultative à laquelle les Français auront sans nul doute beaucoup à apporter. En France, où la rénovation énergétique est aussi au cœur des propositions de relance verte – la Convention citoyenne pour le climat en a fait une de ses mesures phares et plaide pour l’instauration d’une loi pour rendre la rénovation obligatoire – le débat fait rage. Si la rénovation énergétique figure à l’agenda médiatique depuis de nombreuses années, les résultats atteints sont très loin des attentes. Ces années d’expérimentations et de tâtonnement permettent de prendre du recul sur la stratégie menée… et de formaliser des recommandations pour l’avenir.
Pour Matthieu Glanchant, professeur d’économie à Mines ParisTech, le marché de la rénovation énergétique a surtout besoin d’une intervention publique prenant à bras le corps la question de la qualité des travaux : “nous avons récemment publié une étude économétrique exploitant un panel d’une dizaine de milliers de ménages enquêtés de 2000 à 2013 sur leurs travaux de rénovation et leur consommation d’énergie. Sur cet échantillon, l’impact estimé de l’investissement moyen induirait une diminution de la facture énergétique de l’ordre de 3 %.” Un décalage entre les attentes des ménages et les résultats des travaux réalisés dont on trouve une illustration éclairante dans le domaine de l’isolation. Si le secteur n’est pas à un scandale prêt, l’affaire dite de l’isolgate témoigne avec fracas des travers de la politique de rénovation menée en France.
Cet épisode a ainsi révélé que les performances réelles de la laine de verre ont été sciemment cachées par leurs fabricants. Or, cette catégorie d’isolants représente près de 90% du marché de l’isolation des murs et des combles de logement, et bénéficient donc de milliards d’euros de la part de l’État, au titre de son soutien à la rénovation énergétique. Problème : en situation réelle, les laines de verre afficheraient des performances jusqu’à 75% inférieures à celles annoncées, en raison de l’absence de pose de membranes d’étanchéité. D’où l’intérêt de pouvoir contrôler la qualité des travaux réalisés, pour s’assurer qu’ils mènent bien aux économies d’énergie attendues par les ménages, et qu’ils contribuent aussi à la décarbonation du bâti. “Renforcer les exigences nécessaires à l’obtention de labels, financer des contrôles de qualité après travaux et des diagnostic indépendants pré-travaux, développer la formation continue des poseurs et installateurs…”, sont autant de garde-fou qui pourraient améliorer la qualité des travaux réalisés, suggère Matthieu Glanchant. Le professeur d’économie de conclure : “Augmenter les subventions ou édicter des obligations [ de rénovation ] ne réglera pas ce problème.”