Crise du Golfe : l’économie du Qatar tient bon
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Doha a parfaitement su réagir à l’embargo mis en place par Riyad, notamment en développant son tourisme et en se tournant vers d’autres pays. L’émirat, dont les sous-sols sont extrêmement riches en gaz, possède l’une des économies les plus stables de la région.
Le Qatar ouvre ses frontières
Le 5 juin dernier, Riyad avait décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l’émirat qatari, lui reprochant ses accointances grandissantes avec l’Iran — chef du monde musulman chiite, ennemi juré de l’Arabie saoudite, chef des sunnites — et coupable selon le royaume saoudien de soutenir le terrorisme. De concert avec les Emirats arabes unis (EAU), le Bahreïn et l’Egypte, les Saoudiens avaient ensuite adopté plusieurs sanctions unilatérales contre le Qatar et organisé un blocus économique pour le faire plier. Sans pour autant y parvenir.
Car Doha, en un temps record, a su s’organiser et riposter aux attaques faites à son porte-monnaie, orchestrées depuis la capitale saoudienne. Riyad fait fermer les liaisons aériennes et maritimes, empêche les avions de la compagnie Qatar Airways de survoler son territoire et restreint drastiquement les déplacements terrestres depuis le sol qatari. En retour, la Turquie et l’Iran, alliés de Doha, livrent des denrées au Qatar.
Le ministère de l’Intérieur qatari, en coopération avec l’autorité touristique de l’émirat et la compagnie aérienne nationale, a de son côté facilité la délivrance de visas pour maintenir le tourisme à un niveau élevé. Ainsi, les citoyens de 80 pays peuvent désormais recevoir le sésame gratuitement, pour une durée maximum de 180 jours pour les ressortissants de 33 d’entre eux – pour la plupart européens. Les visiteurs pourront même effectuer plusieurs séjours par an, les visas étant « multi-entrées ». Le Qatar a également lancé un service en ligne de e-visa, à partir duquel les touristes désirant visiter le pays peuvent effectuer leurs démarches.
« Le plus à même d’encaisser les coups au Moyen-Orient »
En matière de commerce, le petit émirat, qui multiplie les commandes d’armement depuis deux ans en achetant du matériel en Europe et aux Etats-Unis, vient d’acheter sept navires de guerre à l’Italie pour un montant de 5 milliards d’euros. L’armée qatarie verra également très prochainement sa division aérienne se renforcer : 36 avions de chasse américains de type F-15 Eagle viendront s’ajouter aux 24 Rafale français commandés en 2015.
Le Qatar a donc de l’argent et de quoi voir venir. L’émirat dort sur les troisièmes réserves de gaz de la planète et il est le premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié, ce qui fait de lui l’Etat le plus riche du monde. Le fonds souverain qatari, Qatar Investment Authority, possède quant à lui 300 milliards de dollars d’actifs (256 milliards d’euros) et compte même accroître ses investissements à l’international.
Contrairement à ce que certains investisseurs redoutent, le Qatar n’a donc pas prévu de liquider ses actifs étrangers. Des analystes soulignent même qu’il est le pays « le plus à même d’encaisser les coups au Moyen-Orient », puisqu’il a « l’économie la plus stable et la situation financière la plus stable » selon Andreas Krieg, du King’s College de Londres.
Ironie de la situation, pendant que Doha organisait son économie pour contrer les mesures saoudiennes, Riyad voyait les prix du pétrole chuter et, avec eux, son économie dégringoler. L’Arabie saoudite, dont les revenus dépendent aux trois quarts des hydrocarbures, a besoin d’un baril de brut à 70 dollars pour tenir un budget équilibré. Aléas de la bourse, les cours de l’or noir stagnent, depuis fin juillet, sous la barre des 50 dollars le baril.