Chez Comexposium, les tensions internes nuisent à la visibilité
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Au sein du géant français de l’événementiel, deux visions stratégiques s’opposent. D’un côté celle des actionnaires qui ont choisi d’opter pour des procédures de sauvegarde à répétition afin de faire face aux pertes liées à la pandémie, de l’autre celle des prêteurs, prêts à mettre au pot pour relancer la machine le plus vite possible. Alors que les tensions s’accentuent entre les deux parties, les clients et les salariés sont dans l’expectative.
Le fleuron français Comexposium semble être dans une impasse : les deux actionnaires, Crédit Agricole Assurances et la CCI Paris Île-de-France (CCIP) refusent toute entrée au capital et ont choisi de mettre en place des procédures de sauvegarde pour geler les dettes de l’entreprise. Arguant que le temps est l’allié de l’entreprise, ils ont refusé la proposition d’un consortium de quatre prêteurs (Strategic Value Partners, KKR, Hayfin et Attestor) de réinjecter des liquidités à hauteur de 175 millions et d’échanger 290 millions de dettes contre des titres. Cette proposition aurait le mérite d’assainir les comptes de la société qui accuse 580 millions d’euros de dettes en 2021.
Des employés inquiets pour l’avenir
Née de la fusion de Comexpo (CCIP) et Exposium (Unibail-Rodamco) en 2008, l’entreprise d’événementiel a connu une ascension fulgurante pendant 10 ans, jusqu’à devenir le troisième plus grand organisateur d’événements dans le monde. Avec la pandémie, en 2020, le groupe a perdu 75 % de son chiffre d’affaires et un quart de ses effectifs en France. Le point d’orgue pour les salariés aura été les rumeurs de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (que la Direction n’a pas commentées), annonciateur de possibles licenciements massifs. Le choix stratégique des actionnaires ne rassure ni les salariés ni les clients puisque l’offre du consortium avait pour but d’éviter une restructuration massive, mais surtout de rassurer le marché sur les capacités opérationnelles de l’entreprise. En effet, difficile de savoir si les anciens clients ou les nouveaux pourront accorder le même niveau de confiance qu’avant la pandémie à une entreprise endettée qui vient de perdre une grande partie de ses effectifs alors que, dans le même temps, certains concurrents semblent avoir mieux géré la crise.
Des tensions qui nuisent à la visibilité
Le choix souverain des actionnaires de privilégier la procédure de sauvegarde (dont la première étape, la période d’observation de 18 mois maximum, est sur le point de s’achever) s’appuie sur la bonne santé de l’entreprise avant la crise, époque à laquelle les banques se bousculaient pour prêter au géant français. Désormais, l’enthousiasme de ces dernières, autant que celui des salariés, pourrait être plus relatif. D’autant que, selon le président de la CCIP, Didier Kling, la numérisation de Comexposium va « aller encore plus loin » en parallèle d’une réduction des surfaces de stands qui va « s’accélérer ». Alors que dans le même temps, la cadence de reprise des événements d’affaires est soutenue, les concurrents du groupe se signalent a contrario par des communications rassurantes. Ainsi, le leader mondial Informa a présenté fin juillet des bons résultats pour le 1er semestre 2021 avec des revenus, des profits et un cash flow en hausse, tandis qu’un de ses principaux concurrents dans l’Hexagone, le lyonnais GL events, se démarque par une stratégie différente : il a sollicité 249 millions d’euros de prêt garanti par l’État pour préparer la relance, en sus d’un plan d’économie sur plusieurs années. Cela a eu le mérite de rassurer les marchés en donnant de la visibilité à l’entreprise: le cours de la société affiche + 30 % depuis l’annonce d’octobre dernier. Une confiance qui tranche avec le climat de tensions entre Comexposium et ses prêteurs.
Au début de l’été, ces derniers ont déposé une plainte devant un tribunal britannique contre les actionnaires CCIP (Cassini) et Crédit Agricole, dénonçant leur refus de partager les informations financières de l’entreprise. Les actionnaires de Comexposium avaient invoqué le moyen de la procédure de sauvegarde qui rendait l’obligation de partage nulle et non avenue. Le juge britannique de première instance ayant rejeté ce moyen et donné raison aux demandeurs, les actionnaires avaient donc saisi la High Court anglaise qui avait demandé à entendre les experts des deux parties. L’avis de la juridiction britannique de second degré est sans ambiguïté puisqu’elle a décidé qu’en l’état actuel, l’appel n’était pas fondé et à même déclaré que le juge de première instance devrait, selon toute vraisemblance, rejeter l’appel de cette décision de refus de d’appel que permet le droit britannique au profit du consortium.