La taxe numérique française pourrait nuire davantage aux consommateurs qu’aux GAFA
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Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a envoyé un message clair aux États-Unis et au reste du monde jeudi dernier lorsque le pays a voté une taxe de 3% sur les revenus numériques des grandes entreprises technologiques : “La France décide de ses propres règles fiscales.”
La France ouvre une brèche
En choisissant de faire cavalier seul, la France a ouvert la voie à une approche pays par pays en matière de taxation des entreprises de technologie en Europe. Quelques heures après le vote français, le Royaume-Uni a ainsi publié son propre projet de proposition de taxe sur les services numériques de 2%.
Ces propositions nationales font suite à l’échec d’un effort européen visant à instaurer une taxe numérique sur les sociétés, en raison de la résistance de pays comme l’Irlande et les Pays-Bas.
Certains experts craignent que l’approche unilatérale de la France vis-à-vis de la taxe numérique ne se retourne contre elle et finisse par nuire aux consommateurs et aux petites entreprises qu’elle vise à protéger.
“Cette taxe passera complètement à côté de son objectif”, a déclaré le vendredi suivant lors d’une interview Aleksandra Bal, experte en fiscalité chez Vertex, un fournisseur de logiciels pour la fiscalité.
L’impôt français concerne spécifiquement une trentaine d’entreprises générant au moins 750 millions d’euros de revenus annuels provenant des services numériques, dont 25 millions en France. Bruno Le Maire explique pour sa part que la mesure est nécessaire pour obliger les géants de l’internet à payer leur juste part d’impôt.
À la différence d’une taxe sur la TVA, l’experte de chez Vertex estime que la taxe sur les services numériques ne vise pas à imposer une charge supplémentaire aux consommateurs. Il s’agit plutôt d’une mesure ciblée sur trois types «d’activités numériques» : la publicité en ligne, les activités d’intermédiaire en ligne et la vente de données d’utilisateurs. En d’autres termes, la taxe est spécialement conçue pour les grandes entreprises de technologie comme Facebook, Google et Amazon.
Mais une étude publiée plus tôt cette année par Deloitte et le cabinet de conseil Taj a révélé que seulement 5% du fardeau de la taxe numérique tomberait sur les grandes sociétés Internet qu’il s’agissait de cibler. L’étude indique plutôt que les consommateurs absorberont 55% du coût et que 40% seront supportés par les entreprises utilisant des plateformes numériques. L’étude a estimé qu’Amazon, par exemple, pourrait augmenter les commissions facturées aux marchands sur la plate-forme, ce qui pourrait à son tour entraîner une hausse des prix pour les acheteurs.